La tête inclinée en arrière, les yeux fermés, mon corps appuyé contre la paroi de l'ascenseur, mon pied battant la mesure, j'attendais patiemment que les portes s'ouvrent. Un ding retentit m'avertissant de mon arrivée à l'étage. Je me précipitai en dehors de cet endroit confiné, me donnant à chaque fois une oppression au niveau de la poitrine. Je longeai le couloir et me dirigeai vers le loft que nous occupions avec Les Frères Cooper.

Petite tête comme j'étais, ce matin en partant pour me rendre à l'université, j'avais complètement oublié de prendre mes clefs, bien évidemment ma sœur n'allait pas rentrer de si tôt puisqu'elle avait décidé de passer son après - midi avec Lindsay. Je sonnai, dans l'espoir que Adam ou Antoine soient présents, comble de malchance, après avoir attendu plus de cinq minutes, la porte resta close. Je me laissai tomber contre le mur, il ne me restait plus qu'à prendre mon mal en patience, en attendant l'arrivée d'un des deux frères. Je sortis ma guitare acoustique de son étui, mon plus fidèle compagnon, elle ne me quittait jamais, je grattai quelques morceaux.

Tout en fredonnant, je me laissai aller dans mes réflexions, beaucoup de choses avaient changé en très peu de temps. Tout d'abord, la mort de la mère de ma sœur qui avait été un véritable choc pour elle, elle avait du mal à s'en remettre, chose que je comprenais vu le lien qui les unissait, c'était très fusionnelle. Ensuite l'abandon de mon crétin de géniteur, trop dur pour lui d'élever deux gamines, personnellement, je n'étais pas affectée par son acte, c'était devenu une habitude s'en suit notre admission en foyer, chose assez étonnante, nous étions restées là-bas, quelques mois tout au plus, très vite, nous fûmes recueillies par Les Cooper.

Je me rappelai, du jour où je fus reçue par la directrice, m'annonçant qu'elle nous avait trouvé une famille d'accueil. Il était convenu d'un entretien avant qu'elle s'occupe de toute la paperasse administrative. J'avais été agréablement surprise, moi qui m'attendait à rencontrer, un couple voir avec des enfants, j'étais tombée des nus lorsque je vis apparaitre ces deux jeunes Apollons. Intérieurement, j'avais pesté tous les noms d'oiseaux, je me voyais déjà être recueillie par des gays mais la directrice m'avait rassurée, à cette simple pensée, un sourire étira mes lèvres. J'étais tellement concentrée sur ma musique et mes pensées que je n'avais même pas entendu les portes de l'ascenseur s'ouvrirent, ni que depuis quelques minutes, on m'observait.

Le soleil n'est pas encore levé que je suis déjà réveillé, depuis plusieurs nuits je me réveille, dérangé dans mon sommeil par des gémissements et des grognements, tantôt ceux de mon frère, tantôt ceux de la belle Lorène. Eve dormait dans un sommeil sans rêves à croire, sans vies, sans cauchemars non plus..., petite chose se laissant mourir, Adam tout comme moi étions au courant de son petit manège, notre ouïe sur-développé ne laissait une intimité quasi inexistante dans cet appartement. Et mon sommeil était précieux, une fois que j'avais un œil ouvert, la soif se faisait ressentir dût à ma mauvaise humeur, seul un encas m'apaisait pour regagner par la suite mes draps. Et cette nuit n'échapperai pas à ma triste nature, triste oui car l'immortalité à un sérieux inconvénient, l'ennui....bien que depuis l'adoption des sœurs et leur emménagement la vie était quelque peu plus divertissante, il me manquait une chose....ce même vide que je ressentais depuis que j'étais devenue un être de la nuit, cette sensation de transformation inachevée.

Sur le toit de notre immeuble, je contemplai les ténèbres qui allait bientôt laisser place à la lumière, j'avais encore une petite envie de sang frais, mais cela serai un peu difficile de trouver quelqu'un à cette heure-ci.
Je fermais les yeux et laissais mon instinct et mes oreilles me guider, à la recherche de cette mélodie qui chante pour nous autre vampire....
Une heure plus tard j'étais de retour non loin de l'appartement, l'angoisse montait en moi comme à chaque fois que je craignais de la croiser et de faire une bavure. Ça ne serait pas la première fois vous me diriez, mais cette fille avait quelque chose de spécial, quelque chose qui vaille la peine de la connaître. Non l'humanité ne devait pas être privé d'elle. Je me retrouvais alors comme à chaque matin, dans ce café qui se trouve en bas de l'immeuble, assis sur une banquette dans un coin, à côté de la fenêtre avec mon journal en main. Un café fumant sur ma table servait de couverture quand à ma nature, si il y a bien une chose qui me dégoute, c'est bien le café, je n'ai jamais pu en boire une seule goutte, l'odeur me répugne totalement, alors avant de partir de cet endroit comme à chaque fois, je déverse le liquide brun dans la plante qui se trouve à seulement un mètre de moi. Les heures passèrent à mesure que je couchais sur le papier toute mes pensées.


"...l'attitude de mon frère m'inquiète quelque peu, depuis l'arrivée de Lorène et Eve, il ne cesse de tourmenter cette dernière, il est rare qu'il perde autant son temps sur une humaine...."

Adam, il fallait que je m'entretienne avec lui rapidement, nous n'avions jamais poussé nos rencontres adoptives à l'amitié ou la haine, nous évitions cela, nous refusions de nous laisser attendrir et nous attacher à eux alors que nous savions pertinemment qu'ils partirait un jour ou l'autre et que jamais nous ne pourrions les revoir.

"...sa peau est si douce, ses lèvres un péché, la luxure personnifié, je me sens bizarre à ses côtés, je n'aime pas ça, je perd tout contrôle en sa présence et pourtant j'aime l'entendre rire ou pester contre moi. La musique nous a rapproché et je l'ai laissé faire malgré ma réticence quand à cet attachement."

Lorène....elle jouait de la musique, très bien d'ailleurs, voir cette lueur pétillante quand elle gratte sa guitare et un cadeau sans pareil, je suis jaloux, jaloux de ne pas avoir la chance de pouvoir la connaître mieux que ça, je sais que nous devrons nous séparer d'elle à leur majorité ou avec un peu de chance un peu plus tard, mais le départ était certain...je sais ce que mon frère dirait, qu'il faut profiter du moment présent et d'arrêter de me triturer le cerveau, mais je ne peux pas....depuis plus de cent ans je n'avais jamais eu peur de l'avenir et voilà qu'une humaine changeait ma vision de l'immortalité. J'étais maudit!

Sortant du café je me décidai à rentrer chez moi, maintenant seul moi et mon frère devait y être, je passais les portes de l'ascenseur et attendis patiemment, les mains dans les poches de mon jean et mon carnet dans la poche arrière. Alors que nous montions les étages un à un, je distinguais une mélodie acoustique, cette façon si personnelle de jouer ne pouvait qu'être d'elle. Quand les portes s'ouvrirent enfin, je sortais de la "cage à oiseau" ,comme disait le papi du troisième, discrètement et avec toute la grâce que je me connaissais, je m'appuyai contre le mur face à l'ascenseur, à seulement trois mètres d'elle, je connaissais ses humeurs bien souvent en fonction de ce qu'elle pouvait jouer, la tête dans les nuages, songeuse...lorsqu'elle se mit à sourire timidement et qu'elle remarqua enfin ma présence.


-Un jour t'oubliera ta tête!

Depuis toute petite, je baignais dans la musique. Je me rappelle de ma première guitare, un jouet, le coffrage était recouvert de bois bas de gamme et les cordes en nylon, donnant un son merdique. A ce moment là, je devais avoir à peine trois ou quatre ans. Ce fut quelques années plus tard que j'aie eu mon premier instrument, mais je ne m'en intéressais pas pour autant, c'était juste pour casser les oreilles à mon père.

Un jour en rentrant de l'école, je fus attirée par une mélodie, pas à pas, je m'approchai de la source et je découvris un homme d'une trentaine d'années, assis à même le sol, jouant de la guitare. Les cheveux gras, le teint légèrement crasseux, une barbe de quelques semaines, les traits tirés, les vêtements froissés et déchirés à certains endroits, je n'eus aucun mal à remarquer que cet homme vivait dehors. Alors que certains riverains le regardaient étrangement, d'autres lui lançaient une petite pièce, moi, je restais fascinée par sa façon de jouer, il bougeait ses doigts avec une telle facilité, sa main droite glissait le long des cordes alors que la gauche grattait ces dernières. Sa voix enrouée, un tantinet cassée, accompagnée par la musique, faisait passer tant d'émotion. Je ne me lassais pas de l'écouter, c'était devenu mon petit rituel journalier, en sortant de l'école, je me précipitai jusqu'à lui pour l'entendre. A force, j'avais mémorisé, chacune de ses notes et chaque emplacement de ses doigts et quand je rentrais chez moi, je me dépêchai à faire mes devoirs dans l'unique but de pouvoir ensuite reproduire le morceau que j'avais entendu un peu plus tôt. C'était ainsi que j'avais appris à jouer de la guitare. Par la suite, toute musique que j'entendais, je tentai de la reproduire à l'oreille, pas besoin de lire une partition.

A l'époque, alors que la plupart des filles de mon âge, écoutaient ce que j'appelais des chansons à midinettes, c'était la mode des Boys Band, moi, c'était le Rock, Sex Pistols, Joan Jett et bien d'autres. Au fil du temps, j'avais élargi mon univers mais ça touchait toujours de près ou de loin au Rock. Dans ma période rebelle, envers ma famille, principalement mon père, dont ma haine grandissait au fur et à mesure que je vieillissais, je jouais, et à travers ma musique et mes paroles, je faisais ressentir mon humeur, mes émotions, mes pensées et des mots que j'étais incapable de ressortir autrement.

Voilà, comment je m'étais retrouvée dans ce couloir grattant quelques morceaux, en attendant qu'un membre de ma nouvelle famille arrive. Je ne faisais point attention à la mélodie, mais celle - ci devait correspondre à mes souvenirs. L'arrivée des Frères Cooper, dans nos vies, je voyais ça comme un bon présage, peut-être un nouveau départ, en tout cas, ils joueront un rôle très important pour notre avenir.

Le sourire qui ne m'avait pas quitté depuis que je m'étais remémorée une anecdote sur Les Cooper, lorsque j'entendis sa voix, ce doux ténor, je relevais ma tête dans sa direction plongeant mes prunelles dans les siennes. J'avais eu le souffle coupé par sa beauté, il était appuyé contre le mur, la lumière que laissait passer la fenêtre derrière lui, dessinant tout autour de son corps un halo, on aurait dit un ange, mon ange, cette réflexion, je la gardais que pour moi. Heureusement qu'il ne pouvait pas lire mes pensées, j'aurai été quelque peu gênée de la situation. Je roulai des yeux à sa tirade et le fixai derechef, un air amusé se dessinait sur mon visage.

Tu as tout à fait raison. Je me demande même comment je n'ai pas réussi à l'oublier déjà. Tu as devant toi Miss tête en l'air number one !

Oui j'étais une tête en l'air, obligée qu'au moins une fois par semaine, j'arrivais à oublier quelque chose, aujourd'hui c'était mes clefs mais ça m'était déjà arrivé de partir au lycée avec mes chaussons ou encore sans mon sac, la seule chose que j'étais certaine de ne pas oublier, c'était ma guitare.

Je remis délicatement ma guitare dans son étui, je me relevai et à l'aide du revers de ma main, j'époussetai mon slim noir. En attendant qu'il fasse les quelques pas vers moi et qu'il ouvre la porte, je m'appuyai contre celle - ci.

Alors le spectacle t'a plu ? Ça faisait longtemps que tu étais là ?

J'étais bien curieuse de savoir depuis quand il m'observait. En tout cas, j'étais ravie que des deux frères ça soit Antoine qui soit là, pas que je n'aurai pas apprécié la compagnie de Adam mais j'étais beaucoup moins à l'aise avec lui. Antoine avait été le premier à venir me parler alors que son frère était beaucoup plus distant et froid avec moi, chose qui était tout à fait différente avec ma jeune sœur.